Qui suis-je, moi, français de confession musulmane

Voici une question problématique. D’autant plus problématique que la réponse détermine sinon oriente, mon comportement. Savoir qui l’on est, demande d’abord et avant tout, une connaissance « relative » de soi, dans un environnement global. Connaître son identité c’est maîtriser, à défaut, savoir analyser le processus qui nous amène à être ce que l’on est. En somme, c’est retrouver le « chemin » du processus de construction identitaire.

jeudi 27 janvier 2005

Une identité ne se décrète pas, elle se construit. Et pour ce faire, elle a besoin d’un cadre, d’un milieu, et d’agents qui permettent le processus identitaire. C’est ce que l’on définit généralement en sociologie par le terme de « socialisation ». On définit également par agents socialisateurs, les acteurs, les institutions qui, dans un cheminement appelé « processus de socialisation », permettent de guider, de « façonner » l’individu dans la construction de son identité. Ainsi, on définit le « processus de socialisation » comme le processus d’apprentissage et d’intériorisation des normes et des valeurs d’un groupe ou d’une société, afin d’y prendre place. Les normes et les valeurs ne sont ni plus ni moins que ce que l’on désigne en anthropologie, par le terme de « culture » : c’est-à-dire, la façon de penser, de sentir et d’agir propre à un groupe.

Ces quelques définitions établies, nous pouvons dès à présent réfléchir sur le thème qui nous anime ici, à savoir : l’identité musulmane « française ».

Cette manifestation « nouvelle » de l’identité peut avoir diverses causes et diverses origines. Alain Gresh, dans une interview accordée au journal l’Humanité* l’explique par le climat islamophobe qui règne depuis quelques temps en Europe et, particulièrement en France. Il constate une réappropriation de l’identité musulmane en relation avec les différentes attaques que subissent l’Islam et les musulmans. Ce dernier indique, et à juste raison, que lorsqu’ « il y a un problème dans une cité, on ne l’identifie plus comme un problème social, mais comme un problème ethnique, lié à la « culture » des habitants ». C’est en somme en réaction à la stigmatisation que l’on se re-définie, comme musulman. Même si cet argumentaire décrit une partie de la réalité, il nous paraît néanmoins trop réducteur d’une réalité plus complexe.

Il semble en revanche, plus que probable que le traitement médiatique de l’Islam et des musulmans, pousse ces derniers à s’interroger et, pour un certain nombre, à prendre position sur tel ou tel sujet. Un tel questionnement les incite effectivement, à redéfinir sans cesse leur islamité et leur « ETRE » en tant que musulman : Comment « être » ? Qui « être » ? Suis-je français ? Musulman ? Est-ce compatible ? Est-ce que je trahis l’idéal républicain en étant musulman ? Est-ce que je trahis mon islamité en me sentant français ? Ais-je le sentiment d’être assimilé, intégré ? QUE VEUT DIRE ETRE FRANÇAIS ? Voilà autant de questions que de zones d’ombre, et de doutes, pour décrire mon identité, moi, français de confession musulmane.

Le terme « français » est utilisé parfois pour désigner sa fonction utilitaire : « la nationalité me sert à ceci ou à cela… ».En d’autres occasions, on évite de se poser la question pour ignorer la réalité de la réponse qui peut sembler trahir une FOI : « Je suis musulman point final… ». Il est plus vraisemblable au contraire que, se sentir français est la traduction d’un enracinement profond qui participe de la construction identitaire du musulman.

Enfin, une fois les réponses construites et établies, l’identité semble plus « affirmée » et, l’on a le sentiment d’avoir dé-couvert qui l’on est. Aussi, un grand soupir de soulagement indique que l’on ne trahit rien ni personne.
Toutes ces questions ne sont pas déconnectées de la question suivante. A savoir : Comment adhérer à des valeurs qui semblent à priori, par leurs dénominations, étrangère à l’Islam ? D’autant que ces valeurs sont véhiculées par des agents socialisateurs (médias, école…) qui se réclament d’inspirations non religieuses. D’ailleurs, une école musulmane réglerait plus le problème de l’identité du musulman que le problème du voile.

Les agents socialisateurs (associations, mosquées, familles….) au sein desquels le musulman intègre les normes et les valeurs qui le font sentir musulman, ont longtemps et trop souvent omis de prendre en compte l’espace géographique dans lequel, les citoyens de confession musulmane évoluent. Ces lieux, ou ces agents de socialisation transmettaient, et transmettent toujours, l’image du musulman en la transposant dans une « identité absolue ». Ceci se traduit par la référence à de multiples exemples relatant la vie des compagnons (que Dieu les agrée), et du prophète lui-même (pbsl), sans toujours penser à la mise en pratique ici et maintenant. C’est cette « identité relative » que le musulman ne parvient pas toujours à se construire, ou du moins, à définir. Par conséquent, une distance culturelle apparaît. Une distance qui se traduit par un fossé entre ce que pense être le musulman et la société dans laquelle il est censé apporter un rayonnement de par son éthique.

Cependant, de nombreux intellectuels, tels que Tariq Ramadan, Tariq Oubrou et d’autres, des imams, des associations, des parents…, intègrent aujourd’hui le contexte temporel et spatial, dans la transmission de la culture musulmane. Ceci permet au musulman de savoir un peu plus qui il est, lui, français de confession musulmane. Ainsi, « la frustration identitaire » disparaît peu à peu. Frustration d’ailleurs, que les pères et mères n’avaient pas ou peu. En effet, ils ne posaient pas les questions de l’intégration, ni celle de l’identité à la manière dont le musulman les pose aujourd’hui. Ils « pressentaient » leur identité : celle du musulman immigré de passage à l’étranger. Ils n’avaient par conséquent que très peu à faire à la déviance, parfois liée à une crise identitaire.

A l’inverse, les générations non immigrées doivent d’abord régler la question de l’identité pour pouvoir se positionner dans la société. Ainsi analyser, la question identitaire du français de confession musulmane semble en voie de résolution. Il est temps à présent, de passer à d’autres préoccupations, celle notamment de l’engagement du CITOYEN DE CONFESSION MUSULMANE.

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