Qui es-tu ?!

Notable ou résistant ?
Consommateur ou engagé ?
Militant des valeurs ou nouveau petit-bourgeois ?
Ami de ta communauté ou amoureux des sommets ?
Frère de ceux qui donnent ou compagnon de ceux qui dorment ? (...)

vendredi 2 février 2007

Nous voilà donc devenus de vrais « intégrés ». J’oserais dire de véritables « assimilés »… Tu en doutes ? Et si nous allions voir derrière les discours qui nous protègent, les apparences qui nous cachent, les circonstances qui nous justifient ? Si nous allions étudier les conséquences de la vraie colonisation, la plus pernicieuse qui soit… celle qui nous assimile avant même que nous ayons eu le temps d’y penser. Subtile, profonde… grave.

Arrivés sur ces terres à la faveur de mille et une péripéties : immigration économique, politique, études ou encore conversions de plus ou moins longue date. Nous devons notre appartenance à la communauté musulmane d’Occident par l’histoire de nos ancêtres, de nos parents, ou plus simplement de notre propre histoire. Avec eux, avec nous, migraient et s’enracinaient une foi, une façon d’être au monde… un message.

Aujourd’hui, nous essayons de faire vivre notre foi et de faire entendre un message. Il est pourtant une dimension que nous ne réalisons qu’en apparence : donner force et consistance à une façon d’être. Une façon d’être. Il ne s’agit pas, ma sœur, mon frère, de se cacher derrière un chapelet de prescriptions techniques ; il ne s’agit pas non plus de sacraliser le savoir des limites du permis et de l’interdit. Non, je te parle ici de cette façon d’être qui doit enfanter une lumière, une énergie, un souffle propres à nourrir ta conscience et à lui dessiner sa mission : réformer ton cœur et changer le monde. Changer le monde.

Souviens-toi d’Abraham (Paix sur lui) : il a cru de toute l’énergie de son cœur et il n’a eu de cesse de demander à Dieu de parler à son cœur avec Ses signes. « Pour que mon cœur s’apaise » murmurait-il. Il a vécu les épreuves… quitter son père, être insulté et rejeté par son peuple, obéir au sens du sacrifice de son fils jusqu’à l’ultime limite. Il portait une foi et sa façon d’être était nourrie par l’exigence, la persévérance et la résistance. « Abraham était une communauté »… à lui seul, le sens de la foi et l’énergie du « don de soi ». Et Jacob ? Et Joseph ? Et Moïse ? Et Jésus (Paix soit sur eux) ? Tant d’épreuves, de rejets et d’insultes… pour leur silence, on leur aurait donné le trône, le pouvoir, et l’or ! Mais ils répondaient par leur seule foi et leur déterminée résistance : inlassablement engagés avec tous les pauvres et tous les déshérités à rappeler que le Juste dans l’au-delà « exigeait la justice » ici-bas. Et le dernier des Prophètes, Muhammad (Paix soit sur lui) ? Il n’aurait voulu ni du soleil ni de la lune, il a refusé et le pouvoir et l’argent, et la reconnaissance et le confort : il a persévéré à défendre l’opprimé sous la persécution et dans l’exil, il a levé une armée pour l’honneur d’une femme, il a protégé la dignité et la liberté de ceux qu’il venait de dominer. Un message incarné dans une façon d’être : « la foi » veut dire « résister » … à soi, aux hommes, aux sociétés. A leur paresse, à leurs injustices, à leurs oppressions… résister, se battre, lutter et, tous les jours, persévérer. « Sois patient et que ta persévérance soit en Dieu ».

Sur les traces de ces Prophètes, quand un croyant devient paresseux, « petit-bourgeois », confortablement installé, ami du pouvoir, insouciant des injustices et des oppressés… alors la colonisation a déjà commencé. Parler de la foi sans aimer être trop dérangé, parler de la spiritualité confortablement installé, parler de l’effort en entretenant une association islamique d’administrés, parler des pauvres après avoir copieusement mangé… et rêver secrètement de reconnaissance, de salaire, de voiture, de villa… le tout « à consommer »… Cela nous ressemble, non ? Admettons alors que la colonisation nous a bel et bien gagnés.

Qui es-tu ? Ami de ta communauté ou amoureux des sommets ? Notable ou résistant ? Consommateur ou engagé ? Militant des valeurs et des droits ou nouveau petit-bourgeois d’une immigration assimilée, d’une citoyenneté désincarnée ? Frère de ceux qui donnent ou compagnon de ceux qui dorment ? Qui es-tu, au fond, derrière tes apparences d’humanité ? Sais-tu encore conjuguer, pour Dieu, pour ta conscience, pour la communauté des hommes, les verbes « donner », « se sacrifier », « servir »… « aimer » ?

Installés en Occident, nous aurions dû être cette conscience qui rappelle que jamais il ne faut démissionner. Que la justice est une lutte, la fraternité un effort ; qu’il faut servir avant de se servir, qu’il faut apprendre à donner jusqu’à se donner : « Donne toi à Lui d’un don total ». A nos frères et sœurs en humanité, qui sont exclus, délaissés, maltraités ; à tous ceux qui subissent la violence, l’injustice et la terreur ; à tous ceux qu’étouffent notre indifférence, nos silences et nos lâchetés… à toutes ces femmes, à tous ces hommes, que dirons-nous ? Que, fils d’immigrés, nouveaux citoyens, nous sommes enfin « installés » ? Que la vie nous entraîne et nous a fait oublier ? Que le confort a ses raisons au fond desquelles nos consciences se sont noyées ? Ou peut-être nous trouverons-nous des justifications « islamiques »… en confondant la sagesse du Prophète (PBSL) avec notre paresse, son calme avec nos lâchetés, son silence circonstancié avec nos fuites calculées. On a fait dire tant de choses à nos références, jusqu’à tout justifier… le pire et la pire inhumanité.
Alors me viennent à l’esprit les images de ceux qui nous ont guidés et continuent à nous éduquer : ils étaient avec Dieu, parmi les êtres humains, les laissés pour compte, les opprimés ; confiants en Son amour, assurés de Sa justice : ils se sont levés, se sont sacrifiés, ont su donner, ont su aimer. Libres devant le soupçon des majorités, ils nous ont rappelé les valeurs et la responsabilité. D’aussi loin que je me souvienne, ma sœur, mon frère, après les Prophètes, ils sont notre dignité. Ils peuvent vivre à côté de toi et chaque jour ils donnent de leur temps, de leur vie, de leur fraternité. Ils peuvent être anonymes et souvent bien aimés… Ils luttent contre l’oubli, l’indifférence, l’indignité. Ils ont cette façon d’être propre à te réveiller : apprends, apprends donc, car chacun de leurs gestes te rappelle que Dieu est l’Ami des êtres dévoués. Ils marchent dans Sa lumière… suis donc ce sentier ; il est le chemin de ta paix, le sens de ta liberté.

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