Prière et spiritualité

jeudi 22 mars 2007

Tous les musulmans sont unanimes pour affirmer que le devenir de l’homme dans sa vie d’ici-bas et dans la vie après la mort dépend de la qualité de sa prière. Quel est donc l’essentiel de la prière ? À quoi sert de prier ? C’est un sujet d’une importance majeure qui doit naturellement mériter toute notre attention. Pourtant, rares sont ceux qui se posent ce genre de questionnements.

Le musulman doit engager une expérience de foi qui lui fait découvrir une autre saveur de la prière. Car la prière est la source qui nous nourrit et nous élève de notre état de conscience égotique à un état qui nous transcende. La prière est le lieu privilégié où nous apprenons à nous connaître sous le regard compatissant de Dieu, nous nous présentons à lui dans la prière avec tout ce que nous sommes. La prière est un don de Dieu. Elle est le langage qu’Il nous donne pour communiquer avec Lui. En ce sens, la prière devient universelle et éternelle, traversant tous les temps, tous les continents, toutes les cultures et toutes les forces de la nature. La prière, n’a pas de frontières : Elle est de tous les temps et de tous les lieux.

Prier, c’est accepter le rétablissement de l’âme sur le modèle premier, sa prime nature et son innéité. C’est refuser le postulat bestial d’insignifiance et refuser d’être coupé de Dieu. Le Prophète (BSSL) dit : « Toute entreprise de quelque importance qu’elle soit qui n’est pas initiée par le nom de Dieu est une affaire coupée » [1]. L’âme humaine est mise à l’épreuve dans ce monde de passage et est appelée à dépasser ses pesanteurs pour qu’elle soit libre. Notre sage Ibn ‘Atâ-illah rappelle à ce sujet : « Comment un coeur pourrait-il être illuminé tant que les formes des choses existantes se reflètent dans son miroir ? Comment pourrait-il entreprendre son voyage vers Dieu s’il est entravé par la concupiscence ? ».

La prière est la sève spirituelle du ressourcement. Elle donne sens à notre vie. La lumière des prières peut alors illuminer nos ténèbres, guider nos pas, guérir nos blessures et nous faire grandir dans l’amour et la connaissance de Dieu.

Dans sa forme la plus dépouillée et son sens le plus raffiné, la prière est une quête de Dieu et un abandon total à Lui. La prière est l’espace où grandit et s’épanouit notre connaissance de Dieu et notre connaissance de nous-même. Peu à peu, elle nous dépouille de nos mauvais caractères et nous embellit de meilleures vertus. Elle nous aide à identifier ce qui retient notre avancée spirituelle, ce qui nous éloigne de notre Créateur.

La prière est le lieu d’intimité avec Dieu, où nous sommes accueillis sans conditions et sans intermédiaires. Un mystique disait : « Si tu veux que Dieu te parle, lis le Coran, et si tu veux converser avec Lui, fais la prière ».

La prière est le lieu de tous les pardons, de toutes les guérisons et de tous les espoirs, comme disait le Prophète (BSSL) : « Seigneur, me voilà debout, entre tes mains, je me remets à Toi et j’espère ton pardon ». Nous prions afin d’entrer plus avant dans une relation de confiance avec le Seigneur, une confiance absolue et totale.

Prier, c’est lui manifester notre amour et notre dévouement pour Lui. Lui reconnaître Sa souveraineté et espérer Sa bonté. La prière nous aide à grandir dans l’amour. Le Seigneur est notre Créateur, Il nous aime, prier, c’est donc l’aimer, se soumettre à Lui, consolider le lien avec Lui -exalté soit-Il.

Si vous priez mille fois par jour, votre adoration, si le coeur ne suit pas, ne vous élèvera pas dans les degrés. Malheureusement, nombreux sont ceux qui ne comprennent pas cette vérité et pensent que plus ils prient et plus ils deviennent importants. Ils s’enorgueillissent de leurs prières. Mais, en réalité, nos prières doivent nous rendre plus humbles car la vraie connaissance ne s’obtient qu’avec humilité. Le sage parmi les sages Ibn ‘Atâ-illah nous rappelle : « Tu es libre à l’égard de ce dont tu désespères, tu es l’esclave de ce que tu désires ».

Prier c’est ne pas se montrer impatient. Pour comprendre cette dimension, l’on doit être assidu dans l’adoration. Ce n’est qu’après des années d’expérience de foi que le bonheur est parfait et la joie est totale à l’occasion d’une prière [2]. Notre sage Ibn ‘Atâ-illah rappelle encore : « Souvent tu trouves un accroissement dans les peines affligeantes que tu ne trouves ni dans le jeûne, ni dans la prière. Car les épreuves favorisent l’obtention des dons divins gracieusement. »

La prière est le lieu privilégié où nous reconnaissons notre pauvreté, nos faiblesses, notre besoin d’être avec Dieu. Prier c’est se connaître, connaître ses limites et ses maladies et les chasser. Une parole sage précise : « Quiconque se connaît, connaît Son Seigneur ». Montrer à Dieu son mal, c’est déjà une façon d’exprimer sa confiance et son espoir en Lui.

À travers toutes les situations de détresse que nous rencontrons et que nous exposons à Dieu dans la prière, Dieu se fait encore plus proche de nous. Il nous guide et nous soutient à travers ces épreuves et c’est là notre réconfort et notre assurance. La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, tel est le fondement de cette prière du besoin. Est-ce à dire pour autant que la prière à l’heure de l’épreuve n’a aucune valeur ? N’est-ce donc rien, dans un état de souffrance extrême, que de trouver en soi foi et courage, que de se projeter vers son Dieu, le seul qui, au milieu de l’abandon total, peut nous soutenir. Mais, la prière nous renvoie à un niveau beaucoup plus profond qu’une simple recherche de confort ou de solution magique à nos besoins. Prier, c’est ne pas désespérer car la crainte et le désespoir est l’antinomie de la bonne servitude [3]. Dieu est Le Tout Proche qui « répond à l’invocation de celui qui l’invoque quand il l’invoque » [4].

Prier, c’est prendre son temps pour se ressourcer. Cette pendule spirituelle, qu’est la foi, intégrée dans notre cœur, si elle n’a pas de pile qui l’alimente, elle ne peut pas fonctionner.

Prier, c’est s’extirper de l’espace-temps éphémère et transiter vers le monde de la Pureté et l’éternité. Prier c’est apprendre à nager en gardant la tête au-dessus de l’eau ! Prier « c’est refuser d’être absent solidement carré dans son individualité superficielle ». Prier c’est se confier à Dieu, et lui exposer continuellement les difficultés qui nous distraient de Son chemin. Prier c’est observer la faveur de Dieu.

Les lettres de sagesse stipulent : « Les actes sont des formes mortes dont l’esprit est la pureté de l’intention qui se trouve en eux » [5](…) « Ne te réjouit pas d’une bonne oeuvre pour la raison qu’elle émane de toi ; mais réjouis-toi de ta bonne action pour la raison qu’elle résulte de la faveur que Dieu t’a accordée » [6]. « Dis : De la faveur de Dieu, de Sa grâce, que de tout cela se réjouissent (les hommes) : cela vaut mieux que ce qu’ils amassent » [7].

Aïcha, épouse du Prophète, rapporte : « Une nuit je n’ai pas trouvé le Prophète (BSSL). Je me suis mise à sa recherche et voilà qu’il était en position de Roukou’ (inclinaison) ou de Soujoud (prosternation) et il disait : « Gloire et pureté à Toi, ainsi que louange. Il n’y a de dieu que Toi ».

Dans une autre version : « Tout à coup mes mains touchèrent la plante de ses pieds qui étaient dressés. Il était à la mosquée et disait : « Seigneur Dieu ! Je me mets sous la protection de Ta satisfaction contre Ta colère, sous la protection de Ton pardon contre Ton châtiment, et sous Ta protection contre Toi-même. Je ne saurais Te louer, ni Te remercier autant que Tu T’es loué Toi-même » » Rapporté par Mouslim.

La prière, c’est un état d’être dans lequel on croît jusqu’à ce qu’on atteigne la pleine présence, devenant alors âme épanouie et être véritable et vivant, créant et faisant l’expérience de sa propre voie d’itinérant, étendant son inspiration jusqu’à de nouvelles limites et vers de nouvelles frontières [8]. Dieu dit [9]
 : « J’ai divisé la prière entre Moi et Mon serviteur en deux parties et Mon serviteur aura ce qu’il demande.

Quand il dit : Louange à Dieu, Seigneur de l’univers.,

Dieu le Très-Haut dit : « Mon serviteur M’a loué ».

Quand il dit : Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,

Dieu le Très-Haut dit : « Mon serviteur a évoqué Mon éloge ».

Quand il dit : Maître du Jour de la rétribution.,

Dieu le Très-Haut dit : « Mon serviteur M’a glorifié et M’a confié une affaire ».

Quand il dit  : C’est Toi (Seul) que nous adorons, et c’est Toi (Seul) dont nous implorons secours.,

Dieu le Très-Haut dit : « Ceci est entre Moi et Mon serviteur, et Mon serviteur aura ce qu’il demande ». Quand il dit : Guide-nous dans le droit chemin, le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés.,

Dieu le Très-Haut dit : « Ceci est pour Mon serviteur, et Mon serviteur aura ce qu’il demande ». [10]

Aussi faudrait-il le rappeler, il faut être humble pour apprendre et réapprendre à prier. A cet égard, la recherche d’un environnement propice est plus qu’indispensable. Dieu dit :
« Et suis le sentier de celui qui se tourne vers Moi » [11]
et dit encore :
« Interroge donc qui est bien informé de Lui » [12].

Il n’est aucun moment de l’histoire de l’humanité où la compagnie spirituelle (Sohba), qui se manifeste par la rencontre de ces maîtres des cœurs, réalisés et autorisés, ne peut manquer. Afin de naître spirituellement, il faut avoir cette « Sohba » pour mourir à soi. La bonne volonté ne suffit pas, il faut en plus un environnement catalyseur pour assurer cette alchimie spirituelle. C’est grâce à la vertu de cette compagnie que l’influx spirituel et les pratiques spirituelles portent leurs fruits et éveillent les cœurs des aspirants. Le Prophète (BSSL) dit : « Chacun a la même intensité de foi que son ami le plus intime. Choisissez alors vos amis avec soin ! » [13]. C’est ce qu’enseigne Ibn ’ ‘Atâ-illah dans une de ses sagesses : « Ne prend pas pour compagnon celui dont l’état ne te stimule pas et dont les paroles ne te montrent pas Dieu ». C’est donc une faveur immense de rencontrer des amis de Dieu, de les aimer et de les suivre dans cette noble voie.

« Mon Dieu préserve-nous d’un coeur sans crainte, d’une âme insatiable et d’une science inutile. Ô Dieu, ne fait pas de ce monde notre plus grand souci ! Certes, rien n’est facile sauf ce que tu auras rendu facile et Toi si Tu le veux, Tu rends la l’inaccessible facile ! » [14].

Un poète [15] célèbre dit dans sa poésie [16] :

« Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps ».


Voir en ligne : http://www.psm-enligne.org/index.ph...


[1Hadith authentique

[2La voie vers Dieu comporte toujours une inversion : « de la superficialité il faut passer à la profondeur, de l’apparence au sens, de la dispersion à la concentration, de l’égoïsme à l’altruisme, de la turbulence à la sérénité et de la multiplicité à l’unité ».

[3Dieu dit dans ce Hadith Qoudsi rapporté par le Prophète : « Je traite Mes serviteurs selon l’opinion qu’ils ont de Moi. Je suis avec eux quand ils invoquent Mon Nom ».

[4Sourate 2. Verset 186.

[5C’est un extrait d’al-Hikam (les sagesses ou aphorismes sur la voie) d’Ibn ‘Atâ-illah Asskandari (mort en 709 H/1310 JC).

[6D’autres sagesses d’Ibn ‘Atâ-illah Asskandari tirées de son ouvrage al-Hikam.

[7Coran 10/59

[8Les stations spirituelles sont infinies et indénombrables. L’expression la plus parfaite de cette idée est le Hadith Quodsi (parole Divine formulée par le Prophète) et dans laquelle Dieu dit à Son propre sujet « Ni Mon ciel, ni Ma terre ne peuvent Me contenir, mais le Cœur de Mon serviteur pieux, lui, Me contient ». C’est un Hadith reconnu non authentique par l’imam Ibnu Taymiyya même si son contenu reste toutefois valide si l’on réussit à bien l’interpréter et à en tirer le bon sens. Je préfère, personnellement, le Hadith authentique de Al-Boukhari dans lequel le Prophète dit, attribuant ces paroles à Dieu : « Quiconque offense un ami à Moi, Je lui déclare la guerre. Il n’est d’offrande plus agréable à Moi que l’accomplissement par Mon serviteur des obligations que Je lui ai assignées. Mon serviteur, s’il persévère dans les actes surérogatoires (facultatifs), finira par mériter Mon amour. Quand Je l’aurai aimé, Je deviendrai son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il perçoit, sa main avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche. S’il M’invoque Je lui répondrai, s’il se réfugie en Moi Je serai son protecteur. Je n’hésite en rien de ce que Je veux faire sinon à reprendre l’âme de Mon serviteur ; lui n’aime pas mourir et Moi Je n’aime pas le contrarier ».

[9Il s’agit ici du Texte de Al-Fatiha (1ère sourate du Coran) dont voici les 7 versets :

  1. Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.
  2. Louange à Dieu, Seigneur des mondes,
  3. Le Clément, le Miséricordieux,
  4. Le Roi du jour du jugement.
  5. C’est Toi que nous adorons, c’est Toi dont nous implorons le secours.
  6. Indiques-nous le chemin droit,
  7. Celui de ceux que Tu as comblé de Ta grâce, non pas celui de ceux qui encourent Ta colère, Ni celui des égarés.

[10Il s’agit d’un Hadith Quodsi rapporté par Mouslim

[11Coran 31/15

[12Coran 25/59

[13Hadith authentique rapporté par Al-Boukhari et Mouslim

[14Il s’agit d’une imploration formulée par le Prophète BSSL. Le terme « Hazn » et non pas « Hozn » désigne un sentier dans une montagne qui est synonyme de difficulté, d’inaccessibilité. Le terme « Hozn » désigne quant à lui la tristesse.

[15Il s’agit de Victor Hugo dans : Demain dès l’aube. Voici la suite de son poème :

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

[16Aussi, faudrait-il le rappeler, la poésie est permise en islam, elle est la révélation par excellence de notre richesse et degré d’imagination. Il est à noter que le Prophète (BSSL) a affirmé dans un Hadith authentique rapporté par Al-Boukhari que « les poèmes renferment parfois de la sagesse ("inna minach chi’ri la hikmah") ». Et il a lui-même demandé à un compagnon Hassân ibnu Thâbit d’écrire des poèmes et il avait même prié en sa faveur et invoqué Dieu qu’Il l’assiste.

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